SKYLAND 
2019

Solo Skyland
25 avril - 18 mai 2019
Galerie ALB Anouk Le Bourdiec
47 rue Chapon 75003 Paris FR


Hélène Virion
Critique, journaliste, commissaire d’exposition


Le bruissement des ciels de Fabio Deronzier résonne à la surface de ses toiles, souffle sur ses glacis. Sous ses pinceaux, la peinture à l’huile semble devenir volatile, jusqu’à exprimer la volupté de vents célestes. Une volupté pour autant passagère, car sous la vibration de ses nuages stylisés, de ses lueurs à la palette chromatique contrastée, un présage plus sombre gronde. Le sublime côtoie le souffle d’un ciel d’orage hérité des paysages de William Turner ou de David Friedrich. Pour autant le romantisme de ses édens pétris d’incertitude est chargé d’un ancrage bien plus actuel. Il est empli des torpeurs de ce virtuose, enfant de 1996, à la maturité technique troublante. Comme il est chargé d’un langage stylisé propre aux nouveaux médias. Sous ces aplats de nuages volontairement imparfaits, à la densité savoureuse, apparaissent les aspérités de ses glacis comme les signes d’une emprise contemporaine. Un état défaillant, revendiqué par l’artiste, pour jouer avec les surfaces jusqu’à ouvrir un passage vers les tréfonds de ses cieux. Il fait ainsi de ses nuages aux tonalités douces une surface bouchée et une percée ; comme l’expression d’une empreinte céleste au présent. La résurgence de ces nuages stylisés à la surface de la toile résonne avec de nouveaux modes de représentation. Elle fait écho aux « stickers » et autocollants apposés sur les conversations à l’ère des réseaux sociaux. Elle intervient comme une nouvelle couche de signe qui par une collusion entre la virtuosité technique de l’artiste et ces nuages stylisés donne à ses toiles un ancrage excessivement contemporain. Fabio Deronzier, par la virtuosité prodigieuse d’un travail pictural des plus actuel parvient à révéler dans le sillage d’Ainsi parlait Zarathoustra de Friedrich Nietzsche une forme d’imminence pressante, voire oppressante, comme le signe d’une urgence « longtemps suspendu(e) au sommet, comme un lourd orage, celui qui doit un jour allumer la lumière de l’avenir ! ». Il parvient par cette collusion entre le sublime et le nébuleux stylisé à nous submerger d’un vent mystique, à nous confronter au souffle saisissant d’un temps éminemment présent.

Sigismond T.
Ecrivain


Ici des nuées impalpables oblitérées par une large courbe impudique. Là d’autres nébulosités rageuses gâtées par un troupeau d’à-plats quasi enfantins. Plus loin des masses aux vertiges virtuoses contrariées par un cumulus aussi potelé qu’un cul de chérubin. Avec sa série d’études sur les nuages, Fabio Deronzier semble vouloir littéralement bousiller un esthétisme de l’évanescence dans lequel sa technique aurait pu le pousser à se complaire. L’indétermination est soudain niée par le contour, la limite sèche, la catégorisation obligatoire. On sent à l’évidence un appétit pour la pochade destructrice. Bref la rêverie romantique serait sabotée par le pâté bien net. Pourtant il semble que le propos aille beaucoup plus loin. Car ces études manient toutes une distension qui résulte de la superposition d’une étude conceptuelle sur une étude esthétique, chacune exprimant un axe particulier de projection picturale d’une même chose : le nuage. Ce nuage... Qu’en est-il de sa représentation ? Et de la schématisation de sa représentation ? Du mélange des deux ? Et de la tentative de destruction de l’une par l’autre ? On voit que le mot étude, dans son sens strict, a toute sa pertinence. Et pourtant, chaque toile semble d’emblée admirablement aboutie, et bien que l’on y perçoive toute la malice de l’artiste, presque en toute innocence. La pure beauté résultant des chocs - celle liée au maniement du trait et du fondu, celle des recherches entre équilibre et disruption - apparaît là-même où elle devrait être niée. Alors ne s’arrêter qu’à la pochade ou à l’intellectualisation serait faire fi du plaisir à contempler simplement et longuement les mondes aériens de Deronzier qui, loin de s’abolir en un pied de nez stérile, oscillent étrangement entre l’univers de Turner et celui de la gommette.

Galerie ALB Anouk Le Bourdiec

47 rue Chapon 75003 Paris


Photos : Aurelien Mole

Paté - Huile et acrylique sur toile (2019) - 195 x 130 cm

Nouvelle étude du nuage n°76 - Huile et acrylique sur toile (2019) - 195 x 130 cm


Gauche : Étude de nuage n°73 - Huile sur toile (2019) - 33 x 24 cm

Droite : Étude de nuage n°74 - Huile sur toile (2019) - 33 x 24 cm

Étude de nuage n°81 - Huile sur toile (2019) - 41 x 27 cm

Gauche : Étude de nuage n°42 - Huile sur toile (2019) - 33 x 24 cm

Milieu : Étude de nuage n°44 - Huile sur toile (2019) - 33 x 24 cm

Droite : Étude de nuage n°43 - Huile sur toile (2019) - 33 x 24 cm

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